La loi ne sanctionne pas une erreur mais une faute de gestion aux résonances judéo-chrétiennes dont la Justice aime à faire musique.
Cette vision s’exprime notamment à travers le pouvoir du juge d’absoudre, d’exonérer un dirigeant poursuivi en responsabilité pour insuffisance d’actif sur le fondement de l’article L651-2 du code du commerce, même quand une faute lui est imputable
En pratique pourtant, ce droit de grâce n’est exercé qu’avec parcimonie, et par des juges conscients qu’il est inutile d’ajouter la ruine d’une famille à un échec déjà douloureux, encore parfois vécu comme un déshonneur.
En l’absence de définition légale ou taxinomie, tous faits positifs, abstentions, négligences ou imprudences contraires à l’intérêt social peuvent être retenus. La jurisprudence semble ainsi transposer à l’entreprise le principe du bonus pater familias, en exigeant des dirigeants une gestion prudente, diligente et active.
Néanmoins, pour un dirigeant en liquidation judiciaire, démontrer avoir été un bon gestionnaire est un exercice délicat qui s’apparente aisément à une gageure. L’exercice est d’autant plus difficile face à un Ministère Public et/ou un mandataire judiciaire excipant d’une perspicacité rétroactive ou uchronique, pour expliquer après, ce qui aurait dû ou pu être fait avant.
Pourtant avant de stigmatiser les chefs d’entreprise, souvenons-nous de Hegel et sa chouette de Minerve qui « prend son envol au crépuscule » ou encore du sens symbolique du bouquet de violettes remis aux magistrats consulaires pour leur inspirer floralement la modestie, laquelle toujours doit éclairer et guider leur difficile mission de juger.
S’il est légitime de sanctionner financièrement des dirigeants ayant privilégié leur intérêt personnel, sans se soucier de celui des salariés ou créanciers, l’initiative devient incomprise si elle méconnaît l’esprit de la loi de sauvegarde pourtant présenté comme réservant désormais les sanctions aux indélicats ou malhonnêtes.
Or, la sévérité de certaines décisions laisse le justiciable perplexe et révèle une réalité moins idyllique, de nature à inspirer amertume tenace aux dirigeants de PME, alors convaincus d’être plus sévèrement frappés, que ne le seront jamais ceux qui, avec morgue et indécence, ont ruiné l’économie mondiale en 2007 et 2008.
« Le dirigeant dont l’entreprise est confrontée à une procédure collective n’est pas une cible à abattre. Les sanctions en procédures collectives ne sont pas assimilables à une chasse à l’homme. »
Revue des procédures collectives n° 6, Novembre 2010, dossier 8 « le dirigeant fautif » Christophe Delattre, parquetier.