L’éternité, c’est maintenant

Qu’est-ce que le temps ?« Si personne ne me le demande,  je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ». Cette réponse de Saint Augustin souligne la difficulté à saisir un temps, dont l’évidence mystérieuse donne l’impression d’une succession de passé, présent et avenir, selon un rythme ternaire sculpté par la philologie de nos langues indo-européennes.

Pourtant, l’animal ou l’enfant ne le connaissent pas. Cette notion ne s’acquiert en effet qu’au gré de l’aptitude de la conscience, à donner ordre et précision aux souvenirs. Sans conscience, il n’y aurait qu’un présent sans mémoire et sans anticipation.

Jusqu’à l’âge dit de raison, l’enfant ressent les sensations dans un tumulte inexprimable où le temps est indifférent, tout lui étant présent, à l’instar de ce mot d’enfant entendu cet été « depuis demain », révélant un enchevêtrement d’images, sans classification temporelle.

Dans l’être-temps, André Comte-Sponville estime à l’opposé de St Augustin que le présent ne s’anéantit pas dans le passé, pas plus qu’il ne vient de l’avenir. Pour ce philosophe pédagogue, le temps serait plutôt disparition de l’avenir dans le passé ou plus précisément un continuum du présent (la duration) même si nous ne le vivons pas ainsi, mais qui est l’unique temps réel qui demeure, change et se transforme, une durée indéfinie.

Ainsi, seul le présent existe mais notre conscience procède par diffraction du présent en instaurant une chronologie entre le présent du passé (mémoire), le présent du présent (intuition directe) et le présent de l’avenir (attente, projection, espérance dessin/dessein de notre imagination). Pourtant personne n’a jamais vécu un hier ni  un demain; nous ne vivons que  de « l’aujourd’hui », ce présent intemporel qui ne manque jamais, est là depuis toujours, ne cesse, ne commence ni ne finit.

La vérité du temps est donc d’être toujours présent, éternité, c’est-à-dire non pas un temps infini mais un présent qui dure, un perpétuel aujourd’hui. Ainsi temps et éternité sont une seule et même chose, aussi impossible à mesurer qu’à diviser.

Etre, c’est être maintenant, ce que l’écrivain et poète Christian Bobin appelle si joliment le « 8ème jour de la semaine »

Il est donc impossible d’échapper au présent qui est le seul lieu de l’action, de la pensée, de la mémoire ou de l’attente. L’éternité, c’est maintenant !

 *l’être-temps, André Comte-Sponville Puf collection Perspectives Critiques

1 «  Ni il n’était, ni il ne sera puisque il est maintenant  » (Parménide)

2 « Au présent, je ne suis que mon corps  » (Bergson)

3 « La rose est sans pourquoi 

       elle fleurit parce qu’elle fleurit,

       elle n’a souci d’elle-même

       ne demande pas si on la voit » ( Angelius Silésius)

 4  « Il y a une seule chose dont Dieu même est privé, c’est de faire que ce qui a été fait n’ait pas été »  (Aristote)

 5   « Exister, c’est insister » (André Comte-Sponville)

 6  « Le temps est roi  »  (Héraclite)

 7  « Ce que je poursuis dans le changement, c’est toujours la durée » (Don Juan, Montherlant)

 8  « Sois l’ami du présent qui passe, le futur et le passé te seront donnés par surcroît » (Clément Rosset)

 9  « Le présent est le passé de demain » (Bergson)

Jacques Varoclier