À sa naissance, l’homme est confié au monde et doit se fier à lui ; c’est la «croyance originaire » de Husserl. La confiance naît du besoin de croire en l’autre pour en miroir croire en soi.
L’enfant l’acquiert pour s’épanouir, apprendre l’autonomie. L’adulte est redevable à ceux qui la lui ont accordée, et ont ainsi inspiré sa confiance en lui. Pour autant, au gré de son expérience, l’enfant comprend aussi que l’homme trompe et se trompe.
À la merci d’autrui
Avoir confiance, c’est d’abord avoir quelque chose à «confier», démarche induisant une intimité qui crée ou consolide un lien privilégié avec autrui. Elle ne se décrète pas, mais se gage. Je consens à me rendre vulnérable en prenant le risque de compter sur quelqu’un qui peut me trahir.
Confiance n’est pas assurance. Faire confiance n’exclut pas l’aléa,mais revient à miser malgré ses doutes. La confiance se construit avec le temps, au gré de prises de risques réussies. Elle est un capital accumulé né d’un continuum avec autrui. Le risque couru avec quelqu’un est d’ailleurs le meilleur indice de la confiance qu’on lui porte.
L’amour du risque
Dans les affaires ou la vie privée, elle est un pilier. Dans ces domaines, même s’il est souvent nécessaire, le contrat ne résout pas tout, a fortiori si la méfiance plane, au point qu’il devient inane si le signataire n’a pas une confiance minimale en l’autre partie. En effet, la confiance stricto sensu ne peut pas se contractualiser car elle n’est jamais donnant-donnant, mais par nature asymétrique.
Comme en amour ou en amitié, la confiance n’existe pas sans preuve et connaît la même fragilité singulière de tout être de désir. Par nature, le « Je » est versatile, faible et instable. Aimer toujours n’est pas une promesse que je suis assuré de tenir mais une déclaration flattant l’ego de son destinataire, qui a envie d’y croire. Ce « croire à» qui semble se situer entre la simple opinion (« croire que ») et la certitude aveugle de la foi (« croire en »).
“ Aimer, c’est la moitié de croire. ” Victor Hugo
Ici, l’incertitude règne par essence et souligne combien faire confiance consiste à se livrer à la merci d’autrui, sans garantie de réciprocité. La confiance n’est possible que si l’on intègre cette occurrence de la faille, de la trahison involontaire, simplement due à l’évolution du désir de l’autre, ou à sa vulnérabilité.
Aussi, la confiance n’est ni une chute dans un abîme comme celle mue par la naïveté ni un saut périlleux comme dans la foi du charbonnier, mais un plongeon dans l’inconnu. Elle a pour autre nom le courage, lorsqu’elle devient visible et se montre, fût-ce à soi-même.
Jacques Varoclier