Compétence exclusive de l’assemblée générale ordinaire annuelle (AGOA) et distribution de dividendes

Si lors de l’approbation des comptes annuels, l’AGOA constate l’existence de sommes distribuables, elle peut décider d’en distribuer aux associés à titre de dividendes. Stricto sensu bénéfice distribuable est défini par l’article L232-11 al.1 du Code de commerce comme le résultat algébrique de l’opération arithmétique suivante :

(Bénéfice de l’exercice + report à nouveau bénéficiaire) – (pertes antérieures et réserves obligatoires, légales ou statutaires)

Le Report à nouveau (RAN) bénéficiaire correspond souvent à un montant symbolique de centimes ou quelques centaines d’euros y affectés, afin de mettre en réserves facultatives ou statutaires ou distribuer un montant arrondi. Pour autant, même si elle parait en attente d’une affectation définitive, cette dotation transitoire constitue une mise en réserves ; le RAN y est d’ailleurs assimilé sur le plan comptable.

Dès lors la question s’est posée d’apprécier si en dehors de deux AGOA, une assemblée intermédiaire peut décider une distribution de dividendes ?

La pratique, approuvée par la CNCC, l’ANSA et la majorité de la doctrine, y a toujours été favorable, privilégiant une interprétation souple autorisant une distribution exceptionnelle de réserves en cours d’exercice, en l’absence de disposition légale contraire.

Pourtant, tel n’a pas été l’avis du Tribunal de commerce de Paris, qui par jugement du 23 septembre 2022 (n°J2021000542), a assimilé à une distribution de « dividendes fictifs » celle de réserves ou report à nouveau, décidée en dehors de l’AGOA.  Par arrêt du 30 janvier 2025, la CA de Paris (pôle 5, ch.9 n°22/17478) a infirmé ce jugement, estimant que RAN et réserves faisaient partie du bénéfice distribuable, dont aucun texte n’empêchait la distribution exceptionnelle, hors AGOA.

Toutefois, moins de 15 jours plus tard, la Cour de cassation a retenu une analyse plus stricte, du moins pour le RAN (Cass. Com. 12 février 2025, n°23-11410). En effet selon la haute juridiction, après affectation des bénéfices au report à nouveau bénéficiaire, seule une autre AGOA peut décider de sa distribution.

Cette analyse doit-elle aussi s’appliquer aussi aux réserves précédemment dotées par l’assemblée annuelle d’approbation des comptes ? La Cour s’étant prononcée au seul visa de l’alinéa premier des articles L232-11 et L232-12 relatif respectivement au « bénéfice distribuable » et « sommes distribuables » incluant les réserves distribuables. Il n’est dès lors pas téméraire de penser qu’une assemblée intermédiaire entre 2 AGOA pourrait distribuer des réserves stricto sensu.

En revanche, la distribution du RAN relève de la compétence exclusive de l’AGOA, au même titre que le bénéfice de l’exercice approuvé, à peine de nullité des délibérations, s’agissant de textes impératifs, cette nullité devant toutefois être judiciairement prononcée.

Au demeurant, pour contrer ce risque, il suffirait sans doute de couvrir la nullité par le vote au cours l’AGOA suivante, d’une distribution avec effet rétroactif, quitte à solliciter un délai à cet effet de la part du juge saisi d’une action au fond. (Cf R. Mortier BRDA 7/23 inf.21). En effet, l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a disparu au jour où le tribunal statue au fond, en première instance (L235-3 C.com.)

                                                                                                           Jacques Varoclier

Avocat à la cour