“Tout ce qui naît, naît nécessairement par action d’une cause.” Platon
La causalité désigne le rapport de cause à effet. Elle est l’Alpha et l’Omega de la représentation moderne. Nous ne pouvons vivre sans attendre, anticiper ou espérer et nous serions désorientés si l’univers était imprévisible. Nous sommes donc rassurés qu’un effet E suive une cause C. Nous instaurons entre les deux un lien de dépendance érigé en principe nécessaire pour expliquer et suffisant pour prévoir.
Sans C pas de E, mais avec C -> à E
Pourtant la causalité n’est pas une propriété de C produisant E, mais un rapport spatio-temporel entre les deux, une relation impossible à justifier par voie démonstrative.
C’est pourquoi au xviiie siècle, David Hume va faire voler en éclats la métaphysique occidentale en contestant ce postulat de stabilité, pourtant conforté au siècle précédent par Leibniz et son principe de raison suffisante.
Le philosophe écossais oppose qu’en dehors de la prévision empirique, si E ne se succédait pas à C avec récurrence, nous n’aurions aucune idée de la causalité ; ainsi l’homme serait incapable de déduire du refroidissement de l’eau sa
transformation en glace. Nous devinons l’effet au vu de la cause, car nous avons instauré entre les deux une conjonction constante nous conduisant à anticiper par analogie.
Nous attendons les mêmes effets des mêmes causes (reproductibilité) par induction empirique. L’extrapolation nous conduit à faire du passé un guide fiable pour l’avenir. Pourtant Hume fait observer qu’aucune logique n’impose que le futur ressemble au passé, ni que l’inférence soit un mode pérenne et fiable de connaissance.
“Tout a des pères, mais tout n’a pas toujours d’enfants.” Voltaire
Le lien de cause à effet serait donc une illusion, au mieux un pli de l’esprit qui établit une connexion entre deux faits C et E dont la probabilité est surinterprétée comme une nécessité, alors qu’elle est une simple expérience perceptive.
Tant qu’elle n’a pas été démontrée par raisonnement et sans démenti, une affirmation demeure une conjecture, au point que même les lois démontrées par Newton peuvent être remplacées (relativité). Ainsi Bertrand Russell invite à éliminer la causalité du vocabulaire scientifique « relique d’une époque révolue » devenue incompatible avec la physique du xxe siècle, laquelle enseigne que la loi de la gravitation est causalement neutre. De même Hubert Reeves a montré que la désintégration des atomes (radioactivité) révèle d’un monde acausal.
“La croyance au rapport de cause à effet est la superstition.” Wittgenstein
Le schème causal ne suffit plus à comprendre les champs de réalité complexe comme le vivant, par nature lieu d’indétermination, où une cause ne produit pas toujours le même effet, la condition ceteris paribus* n’y étant plus adaptée pour rendre valide le concept apaisant « mêmes causes, mêmes effets ». Dès lors, toute connaissance s’expose à l’incertitude d’un possible hypothéqué.
*toutes choses égales par ailleurs
Jacques Varoclier