LAÏCITÉ DE DIEU ET DES HOMMES

Les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) garantissent les libertés d’opinion et d’expression.
La religion peut donc pleinement y prétendre car, si elle n’est Vérité, elle incarne un sentiment subjectif profond et une croyance intime. En écho à ces libertés cardinales, la laïcité reconnaît à chacun le droit absolu à une (in)différence cultuelle, exercé dans le respect « sans compromis » des lois d’une République neutre.

Éclairée par l’esprit des Lumières, la laïcité sépare le temporel du spirituel. Elle n’est donc ni religion civile, ni athéisme grimé, ni métaphysique. Elle entend au contraire échapper à tout carcan ou emprise spirituelle. Son ambition est de favoriser la paix civile, le vivre-ensemble de citoyens libres de leurs croyances et opinions, à condition de ne pas troubler l’ordre public.

Dans un État laïque, chacun rend compte de ses actes, mais non de ses croyances. C’est pourquoi, le blasphème, ce pêché linguistique, n’existe pas. Aucune idée n’est sacrée au point d’échapper à mise en doute ou critique par tous moyens, écrits, dessins ou caricatures, fût-ce avec rudesse, irrévérence, indécence, voire vulgarité. La liberté de critique est un droit à ce point précieux, qu’il doit pouvoir s’exercer à l’encontre même de qui la promeut.

« I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it »*

Au lieu d’être épineuse, la laïcité devrait donc être consensuelle puisqu’elle est un mode essentiel de la liberté d’expression. Elle ne nuit à personne et au contraire profite à tous, au point d’être un devoir d’État garanti par l’art. 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

À leur service, l’État assure l’égalité de tous les citoyens, sans dicter sa loi à leurs cœur et esprit. Il s’abstient de tout prosélytisme éthique ou religieux et interdit symétriquement toute intrusion des Églises dans la politique, les sciences ou la raison. À chacun son rôle : la politique gère la cité, les religions s’occupent des croyants, ce que le chrétien Victor Hugo résumait d’une formule lapidaire : « L’État chez lui, l’Église chez elle ».

Or en France, la République ne s’est affranchie que lentement de ses liens anciens avec la monarchie de droit divin. Même si le mot n’y figure pas plus que sa définition, la laïcité a été instaurée par la loi du 9 décembre 1905.

Connue pour avoir consacré le principe de séparation de l’Église et de l’État, son article premier érige leur indépendance réciproque, et crée les conditions d’une coexistence pacifique des religions, tout en prévenant la tentation du repli ou le risque d’une fragmentation de la société. La laïcité légalise les libertés de conscience et de culte au sein d’un cadre public neutre (ne uter = ni l’un, ni l’autre), préservé de toute interférence religieuse. Elle signifie notamment qu’il n’existe pas de religion d’État.

Cette distance nécessaire mais respectueuse à l’égard des cultes n’exclut néanmoins pas l’enseignement critique du fait religieux ou de l’histoire des religions qui font partie de la culture. Symétriquement, elle ne dispense pas les religions d’enseigner le civisme citoyen ou les convictions humanistes athées. Si toutes les religions sont respectées, la neutralité signifie aussi qu’aucune ne peut prétendre imposer son propre système de valeurs confessionnelles à l’État qui n’adopte, ne reconnaît, salarie ou subventionne aucun culte.
La laïcité n’est donc pas un laïcisme, version militante voire anticléricale, mais une liberté politique fondamentale donnant à chacun le droit d’échapper aux rets d’une pensée corsetée et sans servilité, de cultiver son jardin spirituel.

Sous la bannière de la laïcité, la République a la grandeur de promouvoir « la plus haute aspiration de l’homme » visée au préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à savoir « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et croire, libérés de la terreur et de la misère ».

Jacques Varoclier

* « Je désapprouve ce que vous dîtes, mais je défendrai jusqu’à la mort votre droit de la dire » Evelyn Beatrice Hall, connue sous son pseudonyme de S.G. Tallentyre / The Friends of Voltaire
JURIDIQUE – Mots à mots

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